Comment réussir son stage juridictionnel ?

Salut à toutes et à tous !

Le début du mois de mars marque l’arrivée des cohortes de stagiaires ENM dans les juridictions, pour ce qui constitue le temps le plus important de leur formation : dix mois dans les jupons de magistrat.e.s, « au cœur du réacteur », pour quitter son statut d’auditeur/trice bordelais.e et devenir un.e professionnel.le prêt.e à rendre la justice.

Le terme employé dans le titre de cet article peut sembler étrange, voire mal choisi, dans la mesure où le stage juridictionnel n’est plus noté en soi. Les auditeurs le savent, mais je le rappelle pour celles et ceux qui seraient moins familiers avec la notation durant la scolarité à l’ENM : quatre quarts de note détermineront votre rang de classement final, et seul un quart résulte du stage (et plus précisément, de trois audiences d’évaluation elles-mêmes comptant pour 33,3 % de la note, soit un tiers du quart de la note finale). Cela permet d’éviter le copinage façon École des fans, ou le sabrage injuste d’un.e auditeur/trice qui aura eu le malheur de déplaire à ses maîtres de stage.

Si les enseignants à l’ENM invitent les auditeurs à effectuer leur stage avec sérénité, « sans penser au classement de sortie », il va de soi que c’est un vœu pieux et que cette période engendre son lot de questionnements, de doutes, de remises en cause et d’angoisses. Une angoisse récemment renforcée par le spectre du redoublement, voire de l’avis d’inaptitude rendu par le jury. Les « anciens » en juridiction se plaisent à nous raconter à l’envi que « nous on redoublait jamais, mais bon on était 80 dans la promotion ».

Désormais, oui, avec des promotions de 340 auditeurs (et parfois plus), dont plus d’un tiers de professionnels en reconversion, une dizaine d’auditeurs en moyenne est invitée à réitérer son stage juridictionnel, tandis qu’un ou deux sont parfois écartés définitivement de la profession pour raisons diverses. Résultats des courses, les auditeurs arrivent généralement terrorisés en stage juridictionnel, craignant de redoubler immanquablement voire de devenir les prochains « juges Burgaud », alors que la formation devrait probablement aboutir à l’effet inverse : donner confiance en ses capacités, et l’envie de mettre ses connaissances à l’épreuve de la réalité juridictionnelle.

En me basant sur mon expérience récente d’auditeur/trice en stage juridictionnel, mais aussi sur mon expérience encore plus récente de maître de stage qui a vu débarquer des stagiaires bardé.e.s de questions existentielles, j’ai pensé utile de consigner ci-dessous quelques conseils généraux pour tirer le meilleur profit de son stage, et surtout se débarrasser de cette peur chronique du redoublement ou de l’inaptitude – risque absolument infime qui ne doit surtout pas nuire à votre progression et à la construction de vos pratiques professionnelles !

Si vous ignorez (encore) en quoi cette période de dix mois consiste, je vous invite à jeter un œil ici. Et bien sûr au fameux documentaire « Permis de juger », qui retrace la scolarité de la promotion 2010 : absolument indispensable pour les auditeurs, il donne aussi des clés de compréhension (et de la motivation) aux candidats !

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C’est pareil qu’un.e auditeur/trice, si on divise le salaire par huit.


Le stage juridictionnel donne à tout auditeur/trice sérieux et curieux le sentiment d’être pris en tenaille dans sa pratique naissante, entre trois « forces » parfois contradictoires entre elles :

1 – faire d’après ce qui nous a été enseigné à l’ENM ;

2 – faire ce que notre maître de stage attend de nous ;

3 – faire ce qui nous semble le plus approprié, selon nous.

C’est bien logique : face à une situation professionnelle pour l’instant inconnue, on se tourne naturellement vers les enseignements qui nous ont été dispensés justement dans le but d’être aussi opérationnels que possible en stage. Toutefois, dans la mesure où l’on « exerce » sous le regard – bienveillant le plus souvent, mais pas toujours – d’un.e magistrat.e confirmé.e, on est également porté à agir en considération de sa pratique professionnelle, élaborée au fil des années. Enfin, si l’opinion que nous avons en notre for intérieur est forcément influencée par les enseignements reçus et la pratique du maître de stage, il se peut également que nous n’adhérions pleinement à aucune de ces deux méthodes.

D’où la naissance d’inévitables angoisses la veille d’un interrogatoire de première comparution, d’une audience en assistance éducative ou de matinée à la permanence téléphonique. Voici donc quelques ruses de Sioux pour vous guider dans cette expérience éprouvante mais enrichissante, qui tracera votre futur destin de magistrat.e et déterminera accessoirement votre choix de fonction et de poste !

1 – Oser sortir de sa coquille, sans excès de confiance

L’auditeur/trice parfait.e est celui qui a su trouver le juste milieu entre l’excès de confiance et une nécessaire assurance.

L’excès de confiance risque d’être très mal perçu par certain.e.s magistrat.e.s « old school », qui attachent une grande importance aux valeurs et tiennent à une distinction ferme entre auditeurs et magistrats (et généralement, étrangement, ce sont les plus fraîchement arrivé.e.s…). Si cet état d’esprit tend à se raréfier, on attend néanmoins du stagiaire l’humilité qui sied à sa fonction, dans un premier temps en tout cas : à lui/elle de bien sentir avec qui il/elle peut lâcher un peu de leste, une fois que le courant sera passé.

De manière générale, et c’est là tout le paradoxe, si on attend du stagiaire en juridiction une autonomie et du professionnalisme, on souhaite néanmoins qu’il ne se comporte pas comme si son intégration dans la profession était déjà acquise. Exemple frappant dans Permis de juger : l’une des auditrices « prend rapidement la conf’ », arrive avec la démarche de Beyoncé dans les couloirs du palais de justice, mâche nonchalamment un chewing-gum durant un interrogatoire, et se fait rappeler à l’ordre lors de l’évaluation finale.

Une pensée toute particulière pour les personnalités « iconoclastes » et les trublion.ne.s, qui ont fait vivre la scolarité bordelaise avec leurs facéties, et qui aiment comme moi les bons mots et les vannes moitié-Carambar, moitié-Groland : souvenez-vous toujours qu’il vaut mieux avoir gardé une vanne au chaud dans votre cerveau qu’avoir surpris, voire choqué un auditoire que vous pensiez pourtant acquis à votre cause (je sais de quoi je parle…).

Le problème inverse, qui est d’adopter trop longtemps la posture de l’étudiant.e, est plus fréquent. Les premières semaines, c’est bien normal. Selon que vous débutiez votre stage par les fonctions civiles ou pénales (généralement au parquet dans ce dernier cas), les audiences et les jugements sont maladroits et comportent quelques coquilles, car on ne maîtrise pas encore bien la « chaîne » et le fonctionnement du tribunal. On pose des questions un peu naïves, on tâtonne, on essaie d’assembler les pièces du puzzle.

Très vite, il faut essayer d’adopter les comportements professionnels de vos « presques-collègues », quitte à fonctionner par imitation en les prenant pour modèles. Efforcez-vous de quitter les habits de l’auditeur-étudiant sur les bancs de la rue des Frères Bonie, et d’endosser le costume du professionnel. Posez des questions, demandez à vos « presques-collègues » ce qu’ils pensent de telle réforme ou de telle pratique, ou des précisions après une audience ou un jugement. Faites aussi l’effort de vous intéresser au travail du greffe, des éducateurs, du SPIP, bref : témoignez de la curiosité.

De manière générale, osez montrer ce que vous valez. Il n’y a rien à perdre à poser une question même idiote en apparence, ou tenter certaines choses à l’audience ou dans un jugement afin d’approfondir vos pratiques. On vous propose un dossier inhabituel, une visite ici ou là, une rencontre avec des avocats, des experts, des juristes, ou les trois à la fois ? Sautez sur l’occasion au lieu d’aller vous enfiler la saison 24 de The Big Bang Theory.

De même, si dans les grands tribunaux où les auditeurs mangent le plus souvent entre eux au restaurant administratif, dans un petit tribunal, l’auditeur/trice est généralement convié.e aux repas. Comprenez par là, admis à manger son tupperware de boulghour dans la salle au fond du couloir. Certain.e.s ours mal léchés préfèrent s’enfiler leur barquette assis dans leur bureau, alors que les échanges hors des audiences et des corrections font non seulement partie du stage, mais sont même extrêmement précieux pour affiner ses pratiques et sa conception du métier.

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Quant à la politesse, enfin, certain.e.s sont là encore très attaché.e.s aux usages, notamment au parquet où l’existence de rapports hiérarchiques n’est pas une théorie dans les cours de droit pénal. A l’exception du président du tribunal, à qui on réserve quelques égards supplémentaires, tous les juges s’adressent les uns aux autres sans courbettes. Au parquet, les PRA (procureurs de la République adjoints) et le/la procureur.e tiennent généralement à ce qu’on les appelle « Madame/monsieur le/la procureur.e » (cela vaut aussi pour les adjoints). Pas besoin d’en faire des caisses non plus et de se flageller pour n’avoir pas dit « Monsieur le vénérable procureur général sérénissime près Son Altesse la cour d’appel », mais il faut garder à l’esprit que l’auditeur/trice n’est pas encore tout à fait un collègue.

2 – Savoir se remettre en question et accepter les critiques

Même, et surtout les plus injustes. C’est la partie la plus délicate du stage juridictionnel. Vous allez à coup sûr croiser en juridiction des magistrat.e.s objectivement moins professionnels et moins « bons » que vous qui sortez pourtant de l’ENM, à qui vous aurez envie d’ouvrir l’un de vos fascicules roses préférés pour leur démontrer qu’ils se trompent.

Plus affûtés juridiquement que des magistrat.e.s qui n’ont plus mis les pieds à l’école depuis un certain temps, nécessairement plus respectueux des bonnes pratiques enseignées à Bordeaux depuis la refondation de la scolarité dans les années 2000… Bref, il est parfois difficile de se prendre une leçon malvenue de leur part, a fortiori lorsqu’on est un ancien professionnel du droit avec de la bouteille (avocats notamment).

De même, il est nécessaire de faire la distinction entre témoigner sa curiosité intellectuelle et passer pour un.e emmerdeur/euse. Engager le débat sur un aspect ou un autre, c’est tout à fait possible dès lors que le courant passe bien, mais il est risqué d’aller jusqu’à questionner ouvertement des pratiques instaurées ou des manières de faire. Si un.e magistrat.e se détache manifestement trop de la lettre des « polycopiés roses » de l’ENM, gardez-le pour vous et dites-vous bien que c’est à ce genre de juge ou de procureur que vous ne voulez pas ressembler.

Surtout, sauf si on vous demande clairement ce qui est enseigné à l’ENM sur un point, attention au « Oui, mais on nous a appris comme ça à l’ENM », qui laisse penser à votre interlocuteur qu’il ne vous semble plus tellement à la page… Attention également avec les fonctions de cabinet : dans la mesure où vous ne connaissez pas (encore) l’histoire du tribunal et des relations entres collègues, comparer les pratiques de plusieurs maîtres de stage peut froisser quelques susceptibilités.

Idem pour les cas de conscience du genre « je ne peux pas requérir ça » ou « ce n’est pas ma manière de voir les choses » : dans la mesure où votre maître de stage endosse la décision et que vous n’êtes que son porte-voix dans un but pédagogique, jouer à celui ou celle que ses convictions empêchent de faire ce qu’on lui demande vous attirera immanquablement les foudres du service. Vous serez libre de décider une fois que vous aurez vu votre nom dans le classement de sortie !

Petite remarque destinée tout particulièrement aux professionnels en reconversion, car cela se constate immanquablement d’année en année et conduit parfois à de grosses désillusions : il est parfois difficile pour l’ego d’avoir pour maître de stage de jeunes magistrat.s âgé.e.s de dix, quinze et parfois vingt ans de moins, quand on a déjà une carrière antérieure bien remplie de fonctions à responsabilités en tout genre. Mais devant le stage juridictionnel, tous les auditeurs et candidat.e.s à l’intégration directe sont à égalité. Or, chaque année, certain.e.s débarquent bardé.e.s d’assurance (c’est bien) et d’arrogance (c’est moins bien), en expliquant en gros comment la juridiction doit fonctionner, à coups de « Dans mon ancien boulot, on faisait plutôt comme ça… ».

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« C’est vrai que je suis en stage depuis deux semaines, mais voilà des pistes pour améliorer vos interrogatoires de première comparution ».

3 – La vie en juridiction, ou « Les liaisons dangereuses – volume 2 »

Choderlos de Laclos aurait pu écrire le tome 2 des Liaisons dangereuses après son stage juridictionnel au TGI de Bourg-en-Bresse (j’ai choisi la ville au hasard, hein). Sans virer à la paranoïa la plus totale, il faut avoir conscience du fait que les auditeurs, notamment dans les petits tribunaux, sont archi-sur-méga-identifiés. Toute la juridiction ne parle pas dans votre dos en permanence, mais il est certain que vous êtes arrivé.e à plusieurs reprises dans la conversation de cantine des magistrat.e.s qui vous ont vu.e à l’œuvre.

Je ne vous délivre pas un secret ici : comme dans chaque environnement de travail, il existe des « personnes-ressources » et des gens à l’influence plus négative. Dans les grandes juridictions – c’est un avantage conséquent -, les magistrat.e.s qui ne souhaitent pas s’occuper de la formation des auditeurs (bien que ce soit une obligation statutaire…) pourront vous ignorer splendidement. En revanche, lorsqu’il n’y a qu’un ou deux magistrats par fonction, vous pouvez vous retrouver « coincé.e » avec un maître de stage plus… difficile.

Le nécessaire gossip, qui dérive fréquemment sur un bitchage en règle pour vider son sac, doit absolument être réservé à vos camarades auditeurs. Tout simplement parce que lorsque des informations de tel ou tel service se retrouvent connues d’à peu près toute la juridiction quelques heures plus tard, pas besoin d’être profileur au FBI pour comprendre que ce sont les petites souris qui naviguent de service en service qui ont la langue bien pendue…

Peut-on être ami.e avec son/ses maîtres de stage ? Vaste question aussi complexe que la théorie de la relativité. Dans les grands tribunaux, c’est généralement impossible : les magistrat.e.s vivent leur vie et n’auront généralement pas envie d’aller descendre des Jägermeister avec vous le samedi soir. Dans les petites juridictions, en revanche, où fourmillent les sorti.e.s d’école et où l’auditeur/trice est parfois seul.e, des propositions de sortie pourraient vous être faites… Là encore, tout est affaire d’équilibre et de « sixième sens » : à vous de sentir sur quel terrain vous pouvez vous engager avec tel ou telle, et de déterminer avec qui du maître de stage ou du nouvel ami vous êtes en train de danser sur du reggaeton.

Enfin, et si le stage se passe mal ? Outre qu’il faut définitivement vous débarrasser, si ce n’est pas déjà le cas, de la peur pathologique du redoublement, vous aurez des appels de phares et des sirènes d’alarme avant que cela ne soit irréversible. Chaque année circule dans les couloirs de l’école la légende de « celui-ou-celle-qui-n’a-pas-vu-venir parce-que-franchement-le-stage-se-passait-trop-bien ». Il arrive en effet que le jour des évaluations finales devant le CRF, certains maîtres de stage délient leur langue plus qu’ils ne l’avaient fait en face de vous, mais un redoublement est toujours, je dis bien toujours, précédé de « recadrages » par les magistrats et le DCS (directeur de centre de stage) ou le CRF (coordinateur régional de formation). Bref, quand on comprend que le stage prend une mauvaise direction, rien n’est encore joué : il faut redoubler d’efforts pour renverser la vapeur et surtout ne pas se laisser abattre !

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Confiant et sérieux, sans paraître arrogant ni trop sûr de soi ; sympathique, curieux et ouvert, sans espérer nouer de réels liens…


Dix mois de stage juridictionnel devraient faire de vous un.e professionnel.le de l’équilibrisme, capable de marcher sur des œufs de caille sans même rayer la coquille. Humilité, assurance, curiosité d’esprit, respect des usages de la profession et de la bienséance, disponibilité, et surtout une capacité permanente de faire le gros dos et encaisser les critiques injustes : telles sont les principales qualités attendues de l’auditeur/trice en stage juridictionnel.

N’oubliez jamais que le stage juridictionnel est fait pour vous faire progresser dans votre pratique professionnelle, et qu’il est ce que vous décidez d’en faire. Soyez-en l’acteur plutôt que le témoin, sans vous mettre de pression inutile : vous êtes là pour faire des erreurs, et si votre maître de stage vous fait confiance, c’est que vous êtes capable de faire ce qu’il vous demande.

Et vous verrez qu’une fois cette expérience achevée, on laisse de côté les quelques (rares) moments désagréables pour n’en conserver que l’essentiel : les étapes successives qui ont marqué notre progression jour après jour, semaine après semaine, jusqu’au moment où le sentiment d’illégitimité de l’étudiant.e s’est transformé en l’impatience du taureau entrant dans l’arène.

From ENM, with love


5 réflexions sur “Comment réussir son stage juridictionnel ?

  1. Petite précision a compter de la promo 2019 le stage compte pour 1/3 de la note–> suppression de l’épreuve transversale en fin de Scola.. Oui oui #RIP, les deux autres épreuves coef 1.5 ensuite les épreuves de classement passent toutes coef 1 même le grand O avec suppression du sujet made in juridiction #RIPbis et les eval en stage toujours coef 1.

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  2. Merci pour cet article très intéressant et rassurant, à la veille du déconfinement et (enfin!) du début de mon vrai stage juridictionnel …
    Je n’ai pu passer qu’une semaine au TJ et j’avais démarré sur les chapeaux de roue (j’ai pris 3/4 de l’audience de CI le vendredi même!) donc j’espère pourvoir reprendre de plus belle, le confinement m’a un peu ramollie … Bon courage à tous !

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  3. Bonjour,

    Ma question est légèrement plus large que le stage juridictionnel : l’après l’ENM.
    D’après plusieurs témoignages (Union syndicale des magistrats (2018), magistrats en poste) etc, le travail est extrèmement épuisant, avec des réunions régulières à 20H, des permanences les week-end non récupérables + manque de matériels, d’écoute de la hiérarchie, un travail « à la chaine » etc. Qu’en pensez-vous ?

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    1. Bonjour Justine ! Je réponds avec du retard à ton commentaire, mais pour y donner une réponse synthétique : oui, c’est un métier très difficile et exigeant, qui demande d’importantes capacités de travail. Ce que tu décris correspond plutôt au quotidien d’un magistrat du parquet, car les juges n’ont quasiment jamais de « réunions » et n’ont pas de hiérarchie en tant que tel, mais les descriptifs faits par les deux syndicats sont malheureusement assez exacts. Le nombre de magistrats en France est très inférieur à la moyenne des autres pays européens, et est indigne d’une grande démocratie ; les conditions de travail, notamment en région parisienne, sont difficiles (locaux dévastés, informatique préhistorique…) ; inexistence de cette fameuse « équipe autour du juge » que vante le ministère, car nous sommes quasiment tout seul.e.s de A à Z (avec le greffe bien entendu).

      Quand à ces conditions de travail et à cette tendance à la « taylorisation » de la justice s’ajoute le mépris ouvert et assumé du ministre de la Justice lui-même, la pilule est parfois dure à digérer. Si je brosse ce tableau qui peut sembler un peu noir, c’est pour ne pas mentir sur la marchandise et bien faire savoir à quoi s’engagent les aspirants magistrats : le temps du juge qui déambule dans son bureau, un verre de rouge à la main, en dictant son jugement à la greffière est révolu. Les 35 heures par semaine sont largement dépassées et nous turbinons derrière nos écrans et nos claviers pour produire du jugement et maintenir tant bien que mal notre justice à flot. Cela n’enlève rien au caractère passionnant de ce métier, et je garde l’espoir de voir nos conditions s’améliorer et les pouvoirs publics prendre enfin la justice au sérieux ! Et il faut malgré tout distinguer les juridictions de région parisienne et des grandes villes, où les conditions de travail sont bien plus dures qu’ailleurs. Voilà en somme ma réponse à ta question, en espérant ne pas t’avoir découragée mais plutôt raffermie dans le choix d’oeuvrer pour le service public de la justice !

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