Comment faire un stage en juridiction ?

Salut à tous/toutes !

A l’approche des fêtes de fin d’année, et alors que certain(e)s ont demandé au père Noël de garnir leurs petits souliers de la nouvelle Nintendo DS, ou du tome 2 du Voirin & Goubeaux en édition ultimate collector, d’autres espèrent qu’il apportera de Laponie un beau stage en juridiction, intéressant et utile pour la suite de la préparation. Pas de craintes : il ne s’agira pas d’un stage de huit mois aux affaires familiales du tribunal de Rovaniemi, quoique l’idée d’aller bosser en ski de fond et de requérir en finnois a du charme.

Si vous n’avez pas encore lu mon article sur les (bonnes) raisons de participer au fonctionnement d’une juridiction, n’hésitez pas : il se trouve ici. Votre milieu familial ou amical vous permet de bénéficier d’un petit piston ? Vous êtes le fils ou la fille d’une première présidente de cour d’appel et elle accepte de vous montrer son taf pendant deux mois pour enrichir votre préparation ? Tant mieux, profitez-en : elle aura mérité le prix Goncourt que vous lui offrirez à Noël (enfin, que le Père Noël lui offrira…).

Pour les autres mal-né(e)s dont je fais partie, se pose l’éternelle question du wannabe stagiaire : comment obtenir ce précieux stage en juridiction, sans avoir le bras long ou l’entregent de Jacques Attali ? Il n’y a pas de recette magique et l’article qui va suivre n’est pas parole d’évangile, mais voici quelques conseils basés sur ma propre expérience de stagiaire et les pratiques que je constate désormais en juridiction !

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« Un stage de deux mois au parquet en juin-juillet ? Purée, mais qu’est-ce que vous avez tous, vous voulez pas plutôt une Game Boy Color ? »


Où candidater ?

Très logiquement, dans le TGI le plus proche de chez vous ou de là où vous préparez le concours. Faire un stage, c’est bien, mais il est irréaliste et inutile de se farcir trois heures de trajet quotidiennes.

Dans certaines juridictions, le besoin de stagiaires est très important et vous permettra d’en obtenir un sans grande difficulté (normalement). Suivez mon regard : Bobigny, Créteil, Nanterre, Pontoise, Évry, Melun et bien sûr Paris sont les plus gros demandeurs (et donc pourvoyeurs) de stages en juridiction. Des offres émises par les différents services se trouvent souvent sur des sites comme Village-justice.fr, ou sur les banques de stages des facs ou des IEP. Sinon, il y a toujours la méthode dite  » du petit filou  » que je développerai plus loin.

Bon à savoir : certains services d’un tribunal recrutent peu de stagiaires, voire aucun. Les chambres civiles par exemple, dans la mesure où regarder un magistrat devant son clavier et sa tasse de café n’aurait pas grand intérêt pour vous. L’instruction aussi, parce que l’idée qu’un(e) stagiaire puisse mettre son nez dans tous les dossiers d’un cabinet est à juste titre un peu inquiétante. Les juges aux affaires familiales prennent également peu de stagiaires, car ils travaillent en assez grande autonomie, et souvent hors de la juridiction pour les phases de rédaction des jugements. Les juges de l’application des peines et les juges des enfants proposent davantage d’offres, même si vous risquez d’être cantonné(e) à un rôle d’observation plus qu’autre chose.

Vous l’aurez compris, c’est le parquet qui aimante et accueille généreusement le plus grand nombre de stagiaires, et de loin. C’est là où ils peuvent être les plus utiles, en déchargeant les magistrats de certaines tâches un peu répétitives, et aussi où ils peuvent observer de manière globale le fonctionnement de la juridiction. Bref, dans un esprit start-up, c’est du win win.

C’est moins connu, mais la plupart des cours d’appel proposent également des offres de stage sur leurs sites. Le fonctionnement d’une cour est assez différent de celui d’un TGI, et cela ne vous donnera peut-être pas l’aperçu du métier le plus utile dans la perspective du concours, mais vous approfondirez à coup sûr vos connaissances juridiques. Notre noble Cour de cassation elle-même offre quelques stages, dont le descriptif est pour le moins alléchant !

Quel est le profil requis ?

C’est comme au McDonald’s : « venez comme vous êtes ». S’il n’y a pas de profil exigé pour candidater à un poste de stagiaire-trimard dans un TGI, la plupart du temps, tous et toutes ont une licence, un M1 ou un M2 de droit ; mais les non-juristes et sciencepistes désireux de passer le concours sont les bienvenu(e)s. Votre seule motivation à passer le concours et votre investissement personnel justifient en soi que vous sollicitiez un petit stage – ce serait différent pour un poste d’AJ.

Un niveau minimal en droit est attendu, mais ne vous censurez surtout pas si vous commencez le droit en vue de la préparation au concours. Le stage vous permettra de mettre en pratique vos connaissances, de les approfondir, et vous n’avez pas besoin d’avoir le niveau de Bertrand Louvel pour vous rendre utile dans un parquet.

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Si vous pensez avoir le niveau en droit civil de Bertrand Louvel, venez le défier lors d’un quiz « Usucapion en droit international privé ». Blague à part, c’est l’occasion de rappeler que le premier président de la Cour de cassation a été admis à l’école dans le cadre d’une reconversion professionnelle, comme plusieurs dizaines d’auditeurs/trices chaque année.


Comment candidater ?

Même si j’aimerais bien avoir le temps de le faire – comme d’écrire plus d’articles d’ailleurs -, je ne pourrai pas relire vos candidatures. Voici mes quelques petits secrets pour maximiser vos chances de recevoir un mail vous invitant à vous présenter au tribunal…

Premier conseil : adressez-vous au bon dieu plutôt qu’à ses saints. Autrement dit : plutôt que d’envoyer uniquement votre candidature à une adresse mail générale, où votre mail risque de se perdre dans les limbes d’un serveur en Californie, écrivez directement à des magistrats grâce à la célèbre technique « prénom.nom ». Inutile de spammer tout le TGI, mais ciblez les personnes susceptibles de vous recruter, tels que les chefs de section au parquet et les secrétariats généraux. Je ne sais pas si François Molins ou Chantal Arens prendraient le temps de parcourir votre lettre de motivation…

Le plus classiquement du monde, votre mail doit idéalement comprendre une petite présentation de votre démarche, et un CV et une lettre de motivation en pièce jointe. Il sera ensuite généralement relayé aux juges et aux substituts, ou placé dans un dossier dédié sur le serveur commun. En période d’ouverture des vannes de stages, celui ou celle qui sera intéressé(e) contactera le/la stagiaire pour lui proposer un bref entretien.

Si on arrive à ce stade-là, c’est généralement une formalité pour s’assurer de la motivation du candidat et de ses capacités à se rendre utile durant deux mois : inutile de potasser le code pénal la veille et d’apprendre par cœur la liste des infractions. N’hésitez pas à mettre en valeur votre envie de découvrir le service et le métier, sans trop faire de lèche non plus : tout le monde sait bien que le stage a une fonction utilitaire. Témoignez de votre motivation, là encore sans exagérer : inutile de dire que vous voulez être magistrat(e) depuis l’âge de deux ans, les magistrats se sont très souvent cherchés eux/elles aussi pendant des années ! Enfin, n’hésitez pas à valoriser une expérience particulière ou mettre en relief un aspect de votre parcours (des compétences particulières, comme le droit économique ou la comptabilité, peuvent être très appréciées).

Si vous espérez obtenir un stage gratifié d’une petite rémunération, malheureusement, vous connaissez sans doute l’état des juridictions françaises et le manque de moyens de la justice : à ma connaissance, en tout cas en région parisienne, ce sera impossible. C’est bien dommage car même une rémunération minimale aurait pu permettre d’améliorer les conditions financières de certain(e)s candidat(e)s, et accessoirement de payer un travail bel et bien réel. Il faut voir le côté positif de la chose : l’absence de rémunération incite les juridictions à proposer de nombreux stages.

Autre solution : déposer un dossier auprès du Pôle élève de l’ENM, qui étudiera votre candidature et pourra, dans la mesure du possible, vous permettre d’obtenir un stage en juridiction !

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Quand candidater ?

Les plus grandes juridictions ont un besoin continuel de stagiaires, et il n’y a pas – à ma connaissance là encore – de politique strictement définie en matière de recrutement : pour le magistrat recruteur, souvent, « l’occasion fait le larron ».

La plupart d’entre vous voudront sans doute effectuer leur stage durant leur période de préparation au concours, ce qui peut poser des problèmes d’emploi du temps. Certaines prépas bien fichues vous laissent des plages de révisions à domicile, durant lesquelles vous pouvez tenter de glisser un petit stage. Selon moi, les meilleures périodes pour effectuer un stage sont en septembre-octobre-novembre, c’est-à-dire avant le véritable début des festivités ; et en juin immédiatement après les épreuves écrites, pour mettre à profit une période durant laquelle, ne nous mentons pas, il est impossible de bosser.

N’hésitez pas à candidater bien à l’avance pour bénéficier des périodes qui vous arrangeront le plus : le principe du « Premier arrivé, premier servi » est en vigueur. Des tribunaux acceptent de moduler les horaires du stagiaire pour vous permettre d’assister à des cours – c’est un autre avantage de l’absence de rémunération. Dans tous les cas, soyez clairs avec votre futur(e) maître de stage pour ne pas le/la mettre dans l’embarras et piquer un poste à un(e) autre forçat(e) qui en aurait fait un meilleur usage.


Vous savez désormais comment décrocher le stage qui vous mettra le pied à l’étrier et vous permettra d’avoir un avant-goût de la profession de magistrat. Si vous avez du piston, une boîte de rochers Suchard à votre oncle/tante/cousin(e) devrait suffire à le/la convaincre de partager son bureau avec vous.

Bon stage à toutes et à tous !

From ENM, with love


14 réflexions sur “Comment faire un stage en juridiction ?

  1. Bonsoir,

    Je n’ai pas pu résister à l’envie de poster mon 3e commentaire de la soirée en voyant l’intitulé de cet article. Je suis étudiante en M1 de Droit privé général à Paris V, et je souhaite être magistrat depuis mes années lycée.

    J’ai très peu d’expériences juridiques: fin L2 j’ai pu obtenir, par piston, un stage au palais de justice de Paris. Seulement, il n’a duré qu’une semaine, et n’a été qu’un stage d’observation sans véritable travail juridique. Certes, j’ai pu observer des audiences habituellement impossibles à observer (type JAF, état de personnes etc), mais je crains que ce stage n’ait pas beaucoup de poids dans mon dossier. En clair, je venais au tribunal seulement pour m’asseoir sur les bancs des salles d’audiences et observer les audiences, chose que n’importe qui pourrait faire sans stage pour les audiences ouvertes au public.
    J’ai également participé à l’atelier de clinique juridique de ma faculté; j’ai choisi de mettre en avant cette expérience dans mon CV, même s’il ne s’agit pas réellement d’un stage.

    J’aimerais effectuer un stage d’un mois en cabinet d’avocat en juin prochain, puis travailler au sein d’un greffe pour juillet et août (rémunéré). Ces métiers (greffier particulièrement) sont mes plans B en cas d’échec au concours de l’ENM, et il me semblait important d’effectuer un stage également à leurs côtés. Qu’en penses tu ? Penses tu que, même si mon idée principale reste l’ENM, c’est une bonne idée de varier les stages et de ne pas rester qu’en juridiction avec des magistrats ? Ou bien me conseillerais tu plutôt de chercher un deuxième stage en juridiction plus pertinent que celui que j’ai déjà fait ? Le fait est que j’ai vraiment besoin de renflouer les caisses cette année, et que je cherchais donc à faire d’une pierre deux coups: stage + travail, avocat + greffier. De plus, en choisissant un travail plutôt qu’un stage, j’ai peur que les greffes des tribunaux n’aient pas de travail juridique à me confier, et de me retrouver à faire des tâches paperasses, impressions etc.

    Je comptais envoyer un courrier à chaque tribunal d’Ile de France, en indiquant « à l’attention du président du TGI/ de la Cour (…) » dessus, mais je ne sais plus vraiment s’il s’agit de la bonne méthode. Je n’aurais pas le temps de me rendre dans chacune des juridictions à pieds, mais peut-être y aller directement favorise les chances d’obtenir un stage / travail ?
    Peut-on trouver facilement les adresses mail ainsi que les noms et prénoms des chefs de section au parquet, etc ?

    Merci par avance,

    Agathe

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  2. Bonjour,
    J’entre dans le cercle des forçats cette année. Sans diplôme de droit mais avec quelques notions quand même.
    Concernant le stage, étant en activité professionnelle (fonctionnaire catégorie C avec un mastère sciences humaines qui date maintenant… Lol) je me pose la question de la convention de stage? Je ne suis, pour le moment dans aucune prépa (sans doute à distance l’année prochaine. Cette année je me mets au niveau de base en droit) mais j’aimerai pouvoir faire un stage auprès d’un magistrat. Existe-t-il une solution pour faire un stage en juridiction de quelques semaines ou jours en tant qu’observateur ou autre quand même? Est ce qu’en prépa il y aura possibilité d’avoir une convention, à bientôt 40 ans?
    Merci pour les éléments de réponse que vous saurez m’apporter sans doute.
    Stéphane.

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    1. Bonjour Stéphane!

      Sur la possibilité d’obtenir une convention de stage, c’est possible dans certaines prépas adossées à des établissements d’enseignement supérieur (Sciences Po, IEP Aix, IEP Bordeaux), peu importe ton âge 🙂 , mais j’ignore si c’est possible avec les prépas privées… En revanche, pour faire un petit stage d’observation/découverte auprès d’un magistrat, c’est tout à fait possible : on croise beaucoup de stagiaires de troisième ou de première dans les tribunaux, pour une semaine ou un peu plus. La seule différence est qu’il s’agira sans doute d’un stage de pure observation. Pour cela, tu peux procéder comme pour les stages « normaux » : un mail aux SG, ou à des magistrats. Beaucoup en région parisienne sont issus d’une reconversion professionnelle et auront sans doute à cœur de te faire partager leur expérience. Bon courage à toi dans tes recherches et pour la poursuite de ta reconversion!

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  3. Bonsoir,
    Merci pour cet article qui me donne quelques pistes supplémentaires dans le cadre de ma recherche de stage.
    Une question demeure dans mon esprit : comment trouver le fameux « prénom.nom » ?
    En effet, dans ma ville je ne connais qu’un juge aux affaires familiales, mais j’aurais aimé étendre mon périmètre de recherches (et de chance).
    Merci en tout cas pour tous ces précieux conseils et pour tous les articles !

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    1. Bonjour Audrey!

      L’identité des magistrat.e.s est protégée le plus possible pour éviter qu’ils/elles aient des ennuis en dehors de leurs fonctions, notamment depuis l’arrivée d’Internet. Il n’y a donc pas de liste en accès ouvert recensant les magistrats d’un tribunal. Mais en tapant dans Google « magistrats tribunal de … », on peut arriver à faire des recoupements avec les décrets et les nominations au journal officiel… En vérifiant la date toutefois, afin que le magistrat soit toujours en poste à cet endroit! Bonne recherche de stage à toi!

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  4. Bonjour,
    Mille mercis pour cet article!
    J’ai besoin d’un conseil : est-ce « mal vu » pour le concours de ne faire un stage que d’un mois, qui plus est au moins d’août ? Pour l’instant, n’ayant aucune connaissance dans le milieu, c’est tout ce que j’ai trouvé, mais je me pose la question de la pertinence d’un tel stage. Dois-je refuser en espérant trouver mieux d’ici l’été ?
    Merci beaucoup

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    1. Bonjour chèr.e anonyme! Le stage est devenu une sorte de pré-requis, et c’est sûr qu’un unique stage d’un mois peut sembler un peu léger sur le CV. Mais la plupart de tes concurrent.e.s aux oraux n’auront généralement qu’un stage de deux mois, ou trois mois au mieux, à proposer. Le fait qu’il soit effectué au mois d’août ne change rien, le jury ne s’en apercevra même pas… Je t’avoue que si j’étais toi, j’essaierais quand même de choper un p’tit « deux mois à Bobz » (comprendre par là : « le stage que tout le monde fait au parquet de Bobigny ») pour que ça fasse mieux. Si tu es en région parisienne, tu devrais arriver à trouver ça assez facilement : le trio Paris-Bobigny-Créteil embauche des cargaisons de stagiaires en été! Si tu es ailleurs en France, garde quand même ce petit stage sous le coude. Dans tous les cas, ce sera toujours mieux que rien : c’est qu’il faudra peut-être déminer un peu à l’oral si une remarque t’es faite là-dessus… Bon courage pour la suite de ta préparation!

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  5. Bonsoir,

    Sur le même thème, j’aimerais quelques conseils pour savoir comment et à qui s’adresser afin de décrocher un poste d’assistant de justice.

    Merci à vous.

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