Faut-il supprimer l’ENM ?

Salut à toutes et à tous !

Cela pendait au nez de la magistrature judiciaire, qui avait déjà « senti passer le vent du boulet » en 2010 : l’École nationale de la magistrature est à nouveau menacée de suppression, ou plutôt de fusion au sein d’une « école des cadres de la haute fonction publique ».

A cette époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, le président Nicolas Sarkozy avait déjà agité la menace, après avoir qualifié les juges de « petits pois » et autres joyeusetés. L’ENM, dont la ministre de la justice Rachida Dati est pourtant issue (promotion 1997), était déjà décrite comme la principale cause des travers du système judiciaire : « esprit de corps », caste de privilégié(e)s issu(e)s de la grande bourgeoisie, manque voire absence de connaissance des réalités sociales (et notamment de l’économie), gauchisme assumé des enseignements…

Après un faux-départ en raison de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris et une fuite dans Les Échos, les contours des ambitions présidentielles ont été précisés dans une allocution quelques jours plus tard : l’École nationale d’administration (ENA) et l’École nationale de la magistrature (ENM) seront prochainement supprimées, ou plutôt refondues dans une école destinée à former les hauts fonctionnaires du XXIe siècle, suivant les préconisations d’une commission formée par le président de la République.

Frédéric Thiriez, énarque et ancien président de la Ligue de football professionnel (oui, l’association qui organise la Ligue 1 et la Ligue 2), est ainsi chargé d’élaborer un projet de création d’une nouvelle école de formation des « hauts fonctionnaires » – magistrats de l’ordre judiciaire compris. Les trois membres de cet organe vont procéder dans les mois qui viennent à de nombreuses auditions de personnalités qualifiées, dont les délégué(e)s des trois promotions actuelles que compte l’école (2017, 2018 et 2019).

Dans un article du 22 mai 2019 paru dans Le Monde, Frédéric Thiriez décline les principales orientations de la commission éponyme. Je vous en cite une partie in extenso :

Pour décloisonner, pourquoi ne pas imaginer une nouvelle école où l’on enseignerait pendant un an un tronc commun à tous les futurs hauts fonctionnaires, d’État, territoriaux, hospitaliers, magistrats, commissaires de police compris ? Cela concernerait également les quatre « corps techniques » : Mines, Ponts, armement, INSEE.

Il faut créer une culture commune du service public. La formation de tronc commun proposerait des stages croisés : les futurs commissaires de police iront dans les palais de justice, les futurs administrateurs civils dans les hôpitaux, etc. Il faudra cependant veiller à ne pas allonger la durée globale de la scolarité, école d’application incluse.

« Adapter la fonction publique à notre temps », « inventer la fonction publique du XXIe siècle », « trop de présence à Paris, pas assez de terrain ou d’échanges avec le privé »… Les propos tenus par Frédéric Thiriez ont provoqué la surprise d’un grand nombre d’auditeurs/trices et de magistrat(e)s. Pas tant sur le principe même de la suppression de l’école, maintes fois agitée et qui n’effraie plus grand monde rue des Frères Bonie, mais plutôt en raison des représentations erronées du métier de magistrat que le président de cette commission de réforme continue de véhiculer.

Quelques semaines après ces annonces médiatiques, « à tête reposée », je me suis interrogé(e) sur la question en posant calmement le problème sur le papier : faut-il supprimer l’École nationale de la magistrature ?

Je vais tenter de démontrer en quoi, à partir de mon expérience d’auditeur/trice absolument pas rétif/ve au changement et à la modernisation d’une institution qui en a bien besoin, la fusion de l’ENM serait contre-productive et même dangereuse pour le service public de la justice.

L’article qui suit ne sera pas un énième texte de défense aveugle de l’ENM, les facultés de jugement encore altérées par l’expérience de ma scolarité passionnante qui s’achève à peine. Je n’ai absolument pas de lien éditorial avec l’école, et celles et ceux qui connu l’époque de la page Facebook du blog s’en rappellent sans aucun doute. Par ailleurs, je ne me sens absolument pas tenu(e) par un esprit de corps quelconque, ni par un corporatisme de bas étage, et je n’aurais aucun mal à souhaiter la disparition de l’école ou sa refonte si cela pouvait en effet être une solution aux maux qui accablent le système judiciaire.

Frederic THIRIEZ


Les raisons de la colère

L’institution judiciaire subit de nombreuses critiques, plus ou moins fondées, de la part des usagers du service public comme du personnel politique. Nous vivons en démocratie : il est non seulement légitime d’exprimer des revendications à l’encontre d’un service public qu’on estime dysfonctionnel, mais cela peut même favoriser sa modernisation et son amélioration – en témoignent les efforts entrepris depuis l’affaire d’Outreau, toutes majorités politiques confondues, pour rénover l’institution judiciaire à grands coups de réformes.

Tout le monde, et cela inclut bien évidemment les professionnels de la justice, s’accordera à constater que les principales critiques formulées envers la justice française sont parfaitement justifiées. Il est difficilement acceptable, pour les justiciables tout comme pour les magistrat(e)s, de constater qu’il faut parfois attendre huit mois avant de pouvoir rencontrer un juge aux affaires familiales ; que des procédures déjà complexes et obscures pour les usagers évoluent tous les six mois, au gré des alternances politiques ; que des tribunaux d’instance surchargés rendent des jugements après des années de procédure ; que des centaines de décisions pénales sont mal voire non-exécutées par manque de moyens

Quant à la faible diversité des milieux sociaux parmi les magistrat(e)s, il serait là encore malhonnête de prétendre que la magistrature est représentative de la société française. A l’évidence – et les statistiques socio-économiques des promotions récentes de l’ENM le confirment -, les magistrat(e)s sont en grande majorité issues des classes dites « supérieures » ou de familles de fonctionnaires, même si les efforts entrepris par l’école (création des classes préparatoires intégrées ; réforme du concours, et notamment des 2e et 3 concours ; développement de voies d’accès au corps sans concours…) porteront sans doute leurs fruits. Les enfants d’ouvriers ou de personnes en recherche d’emploi demeurent cruellement sous-représentés.

Aussi bien que ces constats sont difficiles à nier, les principales pistes d’amélioration sont également connues de tous. Les professionnels de la justice doivent naturellement prendre leur part dans l’œuvre de modernisation et d’amélioration de l’institution. Même si chaque auditeur/trice peut constater en stage juridictionnel quelques « réticences aux évolutions » (doux euphémisme) de la part de magistrats extrêmement minoritaires, la grande majorité fait déjà son possible pour assurer l’exercice d’un service public de la justice de qualité, souvent au mépris de sa vie personnelle, voire de sa santé physique et psychique. Des efforts bien insuffisants au regard de la faiblesse des moyens financiers alloués à l’œuvre de justice au sens large, en augmentation depuis quelques années mais toujours au 23ème rang sur 28 parmi les pays de l’UE.

Cela devient répétitif et c’est ce que martèlent les différents syndicats de magistrats – mais aussi de greffiers et surveillants pénitentiaires notamment – : la principale cause des dysfonctionnements de la justice est le manque chronique de moyens – et par conséquent de personnel. Pour le dire plus simplement : 90 % des problèmes pourraient être réglés en dotant enfin l’institution judiciaire du budget dont elle a besoin pour fonctionner décemment.

Dans une époque empreinte de « dégagisme », où l’opinion publique réclame des « têtes » en guise de trophées, comme si une suppression-fusion de l’ENM allait résoudre du jour au lendemain les problèmes de l’institution judiciaire, la commission Thiriez cède à la pression et met « tout le monde dans le même sac ». En rangeant les magistrats parmi la caste désormais honnie des « hauts fonctionnaires » ou des « cadres de la fonction publique », elle témoigne malheureusement d’une profonde méconnaissance de la spécificité du travail des magistrats et de la formation dispensée à l’École nationale de la magistrature.

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Pourquoi la magistrature n’est pas un « grand corps »

1 – En finir avec la mentalité « grands corps »

L’une des principales motivations à l’origine de ce projet de suppression-fusion est de « supprimer la mentalité ‘grands corps’ ». L’idée selon laquelle on peut, après avoir obtenu un concours à la fin de ses études, voir sa carrière toute tracée pour les quarante prochaines années, serait devenue aujourd’hui intolérable à l’heure de la flexibilisation du travail – alors que c’est pourtant le principe même d’une carrière dans la fonction publique. Un prof d’histoire-géo, une aide-soignante à l’hôpital public ou un agent technique municipal ont aussi toutes les chances d’exercer jusqu’à leur retraite le métier correspondant au concours qu’ils ont passé.

L’ENA est supposée peuplée de jeunes carriéristes sortis de Sciences Po, qui, après avoir acquis leur fauteuil dans la fonction publique à coup de bachotage de droit administratif et de finances publiques, sont prêts à se disputer pendant trente ans les plus hautes responsabilités – publiques ou privées. Je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé ou l’utilité de la suppression de l’ENA, ni sur la véracité des représentations courantes de cette école : ce n’est pas mon propos et je ne prétends pas connaître assez bien la formation qu’elle propose.

Ce qui est en revanche certain, c’est que ces descriptions ne s’appliquent en aucun cas aux promotions de l’ENM. La magistrature judiciaire n’est pas un « grand corps ». On n’intègre pas l’ENM par amour du pouvoir, par goût de l’argent ou – encore moins – dans l’espoir d’y passer une carrière tranquille, planqué(e) dans un tribunal à se cacher derrière des piles de dossiers. C’est un « métier-passion », et je le sais d’autant plus pour avoir moi-même changé totalement de voie après avoir assisté à un procès d’assises, quelques semaines avant de me lancer dans la préparation de l’ENA.

La carrière du magistrat est également bien loin de celle, « toute tracée », des hauts fonctionnaires en réalité visés par cette réforme. La plupart change de fonction et de lieu de travail tous les cinq ans, voire moins, avec ce que cela implique comme investissement personnel (réactualiser ses connaissances et s’adapter à des pratiques souvent totalement différentes) et familial (déménager à Lille, puis Tulle, puis Besançon, et qui sait, Pointe-à-Pitre ou Mayotte…).

Par ailleurs, la formation commune des juges et des procureurs a longtemps été objet de questionnements, en raison de la possible confusion entre autorités de poursuite et de jugement qu’elle pourrait engendrer. Afin de renforcer l’indépendance des juges, la création d’une école séparée avait même un temps été envisagée – et c’est ce qui existe dans plusieurs pays, dont l’Italie. J’ai du mal à voir en quoi réunir dans une école commune futurs magistrats judiciaires, préfets, inspecteurs des finances, juges administratifs et conseillers d’État… ne constituerait pas une très lourde atteinte à l’indépendance de la justice, dont la formation des magistrats dans une école unique et distincte est l’une des garantes.

2 – Des magistrats sans connaissance des réalités sociales et économiques

C’est le postulat de la commission Thiriez le plus difficile à accepter pour un/e auditeur/trice ou un(e) jeune magistrat(e). Les séries américaines et la méconnaissance de la justice civile par les médias et l’opinion publique ont contribué à façonner des représentations erronées du métier de magistrat, le réduisant généralement à sa fonction répressive. Grosso modo, un vieil homme bedonnant, gesticulant du haut de son estrade derrière une pile de codes, notable probablement très bien payé pour distribuer à la chaîne des peines d’emprisonnement.

Grâce à la communication du ministère de la Justice et de l’ENM depuis quelques années, les représentations du métier de magistrat ont heureusement évolué. D’une « simple fonction d’autorité », sans doute relativement éloignée des réalités sociales durant les Trente glorieuses et les débuts de la Vème République, la magistrature s’est progressivement ouverte sur la société, jusqu’à être considérée aujourd’hui comme un métier du « care ». Et c’est même ce qui serait, en partie, la cause de la relative désaffection pour le métier

Qui pourrait affirmer sérieusement qu’un(e) médecin ou un(e) professeur n’est pas un professionnel « de terrain », qui exerce des fonctions aux prises avec la réalité sociale et économique du pays ? Pardonnez-moi l’expression, mais de la même manière qu’un professeur de collège-lycée ou un médecin, les magistrats « vont au charbon ». Avec passion et dévouement, ils se confrontent au quotidien à des publics souvent difficiles : quel(le) magistrat(e) n’a pas entendu sa tendre mère se faire qualifier de doux noms d’oiseaux par un prévenu ou un condamné…

Toute la journée, dans leur cabinet ou à l’audience, les magistrat(e)s rencontrent des usagers du service public de la justice, écoutent des récits de vie souvent tragiques, et traitent de situations personnelles, familiales et patrimoniales au bord de la rupture. Cette confrontation directe avec la réalité socio-économique, qui fait du magistrat un « médecin des rapports sociaux », l’invite à prendre conscience à chaque instant de sa chance d’avoir pu éviter tant que faire se peut les troubles de l’existence et s’épanouir sur le plan personnel et professionnel.

Chaque juge ou procureur, après trois mois de fonction dans un nouveau poste, connaît le ressort de son tribunal sur le bout des doigts, commune par commune, voire quartier par quartier. Le juge d’instance, le juge aux affaires familiales et le juge d’application des peines maîtrisent la galaxie des différents dispositifs d’aide sociale et leurs conditions d’obtention, et en viennent à s’étonner lors que les revenus d’un(e) justiciable excèdent 1000 euros par mois.

Je passe sur des conditions de travail souvent lamentables, lorsqu’il faut parfois amener ses propres stylos pour aller bosser dans un palais de justice potentiellement amianté, voire un préfabriqué Algeco (un salut fraternel au tribunal d’instance de Longjumeau).

Quant au reproche fait du « manque d’ouverture sur le secteur privé », là encore, cela résulte d’une méconnaissance totale du travail et de la formation des magistrat(e)s. Aujourd’hui, au gré des voies d’intégration sur reconversion professionnelle (2e et 3e concours, article 18-1, concours complémentaire, intégration directe…), un nouveau magistrat sur deux a une expérience professionnelle antérieure. Ancien directeur de supermarché, ingénieurs, consultants, DRH… La liste des anciennes professions exercées par des auditeurs des promotions récentes permettait de monter une start-up.

En somme, les magistrats exercent dans l’immense majorité leur métier avec conviction, dans des conditions de travail qui font que cette noble fonction tend de plus en plus à ressembler à un sacerdoce. Les nouvelles promotions de l’ENM ont, je crois, à cœur de faire leur possible pour inventer la justice de demain et ont accepté l’idée, même avant de passer le concours, de travailler dans l’urgence et l’économie de moyens. Il est par conséquent très désagréable de se voir assimilés à une caste de privilégiés de la fonction publique, à qui il faudrait de surcroît inculquer une « culture globale du service public » : merci, ça ira.

Capture
Un dessin de l’immense Jean-Claude Bouvier.

3 – La qualité de la formation

Les juges ventripotents à moustache retroussée de La Vérité d’Henri-Georges Clouzot, qui attendent avec impatience la fin de l’audience pour aller manger une tête de veau au bistrot du palais, ont laissé place à une magistrature rajeunie, féminisée et surtout beaucoup mieux formée.

Je ne suis pas là pour vanter par principe les mérites de l’École nationale de la magistrature, mais il faut rendre à la rue des Frères Bonie ce qui lui appartient. La formation des magistrats était relativement lacunaire jusqu’aux années 1990, de l’aveu même de bon nombre de juges et procureurs en fonction qui se rappellent avec délice ces vertes années. L’affaire d’Outreau a joué le rôle de détonateur d’une refondation complète de la formation des magistrats, si bien que jusqu’aujourd’hui l’ENM n’a pas cessé de se réformer et d’innover d’année en année.

La scolarité à l’ENM présente bien sûr quelques défauts, comme toute formation, dans la mesure où elle doit notamment tenir compte de la diversité des parcours antérieurs des auditeurs/trices. Mais elle propose la formation la plus complète et la plus solide des écoles du service public : 31 mois de formation initiale, dont plus d’un an de stages en juridiction et ailleurs ; des cours, conférences, ateliers et rencontres de 9 heures à 17h30 tous les jours de la semaine ; sans compter le nécessaire travail personnel et les décisions d’entraînement qui rappellent parfois étrangement les mois de préparation au concours.

Ces 31 mois de formation ne sont pas de trop pour apprendre un métier aussi vaste que celui de magistrat(e) – en réalité composé d’une grande diversité de métiers. Prétendre créer une année de tronc commun dans cette école des cadres de la haute fonction publique, sans pour autant allonger la formation, c’est tout simplement gaspiller un temps extrêmement précieux.

Quant au fait de pouvoir effectuer des stages au sein d’autres administrations publiques, là encore, merci mais non merci : c’est déjà ce que les auditeurs font au début de leur deuxième année de formation. Plusieurs dizaines se rendent ainsi chaque année en milieu hospitalier, dans des associations et dans des entreprises.

Comble du comble, c’est alors que l’école forme des centaines de magistrats français et étrangers, que la qualité de sa formation est reconnue sur le plan international, qu’elle est ouvertement copiée par de très nombreux pays – de système romano-civiliste mais pas uniquement -, et qu’elle devient la référence européenne voire mondiale en matière de formation judiciaire, que son avenir est menacé.

S’imaginer pouvoir atteindre à court ou moyen terme le niveau d’excellence académique et la reconnaissance internationale que l’ENM a atteint après quinze ans est totalement illusoire, et revient à nier purement et simplement la spécificité du métier de magistrat. Cela constituerait un recul terrible pour la qualité de la formation des magistrats, avec des conséquences difficiles à imaginer.

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La défense de l’École nationale de la magistrature n’est sans doute pas une cause qui fera descendre des milliers de personnes dans les rues, je le conçois bien. Le président de la République peut proposer de rayer littéralement d’un trait de plume une école vieille de soixante ans, héritage gaullien et gaulliste, sans que personne ne remue l’auriculaire.

A l’heure du « dégagisme » généralisé, il est extrêmement facile de jouer sur les représentation et faire passer les magistrat(e)s pour des privilégié(e)s, membres d’un « grand corps » parmi les autres, pour justifier ainsi une réforme de leur formation qui n’a pour d’autres buts que d’offrir un trophée à l’opinion publique (en espérant gagner 0,3749 % points dans les sondages).

En somme, c’est « jeter le bébé avec l’eau du bain », comme si les problèmes du système judiciaire allaient être réglés en « venant à bout » d’une école en trois lettres qui a le malheur d’en avoir deux en commun avec l’ENA.

La justice est au service des citoyens, qui ont le droit d’avoir face à eux des professionnels bien formés aux spécificités de ce métier si unique, et non des « cadres de la fonction publique » ou des « hauts fonctionnaires ».

Comme ces 20 000 signes ont tenté de le démontrer, la magistrature judiciaire n’est pas l’un de ces « grands corps » visés par ce projet de réforme, et c’est sans doute par un jugement hâtif et des représentations erronées (mâtinés d’une petite dose de populisme soft) que la commission Thiriez l’a classée au milieu des conseillers d’État et autres inspecteurs des Finances.

Une fois de plus, semble-t-il, c’est la méconnaissance des réalités du métier de magistrat et de sa formation qui a conduit à ce projet de suppression-fusion de l’ENM. « Défendre » notre formation et notre profession, indispensables au maintien du lien social, est difficile en dehors du cadre syndical, devoir de réserve oblige.

Ce que nous pouvons faire de plus utile, et c’est d’ailleurs en grande partie l’objet de ce blog, c’est nous exprimer, publier, d’intervenir dans le débat public de toutes les façons possibles pour parler de notre métier et en faire connaître les réalités, aux citoyens comme aux décideurs publics. L’Association des jeunes magistrats fait d’ores et déjà un immense travail en ce sens.

Il n’y a désormais plus qu’à espérer que la commission Thiriez, au fil de ses travaux, s’aperçoive de son erreur de jugement et fasse machine arrière. Il en va de la qualité du service public de la justice, et aussi de l’avenir du blog : « From L’école des cadres de la haute fonction publique with love », c’est quand même beaucoup moins classe.

From ENM, with love

Pour celles et ceux qui ont apprécié les jolies caricatures qui ornent cet article, il y a d’autres par ici !


5 réflexions sur “Faut-il supprimer l’ENM ?

  1. Bonjour !

    Intéressant article, mais je m’interroge sur deux points :
    – Je pensais que la suppression de l’ENM n’était plus du tout à l’ordre du jour, ce qui a été confirmé par le porte parole du ministère de la justice ancien que M. Ronsin, ancien directeur. Vous êtes sur que qu’une fusion de l’ENM est prévu? Quelles sont vos sources ?

    – La critique sur l’ENM porte parfois sur la formation commune des procureurs et juges. Que pensez-vous de cette critique ?

    Merci pour ce blog, toujours intéressant pour un forçat de la prépa !

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    1. Bonjour B!

      La suppression de l’ENM est bel et bien toujours à l’ordre du jour, sous la forme d’une fusion au sein d’une Ecole des cadres de la haute fonction publique. C’est pour l’instant le sens des travaux de la commission Thiriez, même si un reliquat d’ENM pourrait sans doute subsister pour assurer les derniers mois de formation et la formation continue. Mes sources sont toutes dans l’article, et il s’agit notamment de l’interview de Frédéric Thiriez dans Le Monde. M. Badr, porte-parole du ministère, n’a pas infirmé l’existence d’un projet de suppression : il a au contraire constaté avec effacement que celui-ci était mené sans qu’il en soit au courant (autrement dit, élaboré sur un coin de table à l’Elysée, sans même consulter le ministère de la Justice). Quand à M. Ronsin, il est désormais président de cour et n’a malheureusement aucune information supplémentaire dont le ministère ne disposerait pas : ses tweets très sympathiques et intéressants sont des propos personnels, qui n’engagent ni l’ENM ni le ministère. Bref, au stade où nous en sommes, il y a bien un projet de suppression-fusion de l’ENM mené par la commission Thiriez, et les syndicats de magistrats écrivent très régulièrement là-dessus sur leurs sites respectifs.

      Quant à la formation commune des juges et procureurs, parfois critiquée, elle me semble indispensable au bon fonctionnement de l’institution judiciaire, mais j’y reviendrai dans un article plus détaillé. Bonne préparation à toi!

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  2. Du coup c’est un peu inquiétant pour ceux qui envisagent de passer le concours dans 3-4 ans (bien que je ne sais pas quand cette « fusion » aura lieu).
    Mais si tout d’un coup, pour rentrer dans l’école, on se retrouve en compétition avec les Enarque actuels, ça va être encore plus coton qu’aujourd’hui.

    Très bon article en tout cas 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Lobé! Ce n’est que mon humble avis, mais les propos du président de la République sur la suppression de l’ENM visaient surtout, sur fond de populisme, à « prendre la température » et sonder l’effet que pourrait avoir une suppression de l’école. J’ose croire que cette suppression-fusion n’aura jamais lieu et que la commission Thiriez se rendra compte de l’erreur qu’elle a commise en mettant tout le monde dans le même panier! Merci à toi!

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  3. Bonjour,
    Un article agréable à lire et complet, comme à l’accoutumé, une remarque allant dans le sens de la diversité : le défenseur des droits dans une décision du 19 uin 2020 recommande la suppression des limites d’âge pour intégrer l’ENM, limites jugées discriminatoires. Et… rien, aucune réaction de la chancellerie à ma connaissance. Voilà qui ne va pas contribuer à l’image d’une justice, c’est triste

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