Oral d’anglais ENM – Dans la tête du correcteur

Salut à tous / toutes !

Now is the time for you to speak English ! Cette épreuve détonne un peu dans le concours de l’ENM car il ne s’agit pas d’une épreuve juridique ou de culture générale. Généralement mal connu des candidat(e)s, l’oral d’anglais est souvent source de very big panic.

Pourtant, ce n’est pas vraiment sur l’anglais que le concours se joue. Certes, chaque année, le jury déplore dans son rapport qu’un juriste pur jus avec une mauvaise note en anglais se soit fait doubler par un(e) horrible sciencepiste qui a tapé son 18 dans la langue de John Lennon. Certes, on entend toujours des rumeurs, le camarade de prépa qui connait le cousin d’un ami du beau-frère d’un cousin qui connait quelqu’un qui « l’a raté à cause de l’anglais ». Complete bullshit !

L’anglais est au contraire une épreuve où il est possible d’engranger de précieux points, ou en tout cas d’éviter the big crash of the death, pour peu que l’on saisisse bien la méthodologie à adopter et que l’on montre de la volonté lors de l’oral. Même si votre level n’est pas very good, aucune raison de paniquer : comme pour les écrits, c’est avant tout une question de méthode et de compréhension des attentes du correcteur.

Let’s go for the déroulement of the examination and a little trip in the jury’s mind !

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Oui, il s’agit bien d’une photo de Donald Trump tenant une colombe.


The déroulement of the épreuve : comment ça se passe ?

L’oral d’anglais se déroule dans les locaux de la Société Philomatique de Bordeaux, le même jour que les oraux techniques. C’est un beau bâtiment occupé par une institution d’enseignement technique dont je vous reparlerai dans d’autres articles.

On attend tranquillement sur les bancs du fameux couloir de la mort, jusqu’à ce que le gentil jury vienne nous chercher. Il est composé de deux professeurs d’anglais (logique…), généralement à l’université de Bordeaux ou en classe préparatoire. Vous pouvez aller voir la composition du jury des oraux sur le site de l’ENM, bien que l’intérêt de savoir le nom de vos futurs examinateurs soit très faible.

« Monsieur/Madame From ENM with love ? » Vous vous levez et dites bonjour. Les plus lèche-bottes audacieux oseront un « Good morning » en prenant la voix de Hugh Grant (zappez le « My dear »). On tend sa jolie identity card et sa convocation. Devant vous se trouve la table du jury, à environ deux mètres de la table où vous composerez. Assez près pour être bien entendu(e) et compris(e), mais sans être collé(e) aux examinateurs/trices.

Il est probablement inutile de le préciser, mais je le rappelle dans le doute : les épreuves orales se déroulent assis. Précision plus utile, car la question m’a souvent été posée : il est possible de mettre des boules Quiès pour la préparation si vous en ressentez le besoin. Le jury parle parfois (à voix basse) pendant que vous composez, mais généralement les circonstances font que l’on y prête pas la moindre attention.

Sur le côté gauche ou droit (selon la salle) se trouve une table sur laquelle sont étalées de nombreuses enveloppes. Elles contiennent… (roulement de tambour) … les textes sur lesquels vous allez composer. Ils proviennent généralement d’un grand quotidien ou magazine britannique ou américain : The Guardian, The Times, The Washington Post...

Très important : vous ne devez choisir qu’une enveloppe, même si le jury vous en propose deux. En 2016, lors des oraux techniques, un binôme d’examinateurs avait proposé à une dizaine de candidats d’en ouvrir deux et de prendre celui qu’ils préféraient. Tous ces candidat(e)s ont dû revenir à Bordeaux et repasser l’épreuve, et on a accessoirement frôlé l’annulation de l’épreuve entière.

De quels types de sujets s’agit-il ? On peut distinguer trois grandes familles :

  • Les sujets « tarte à la crème » d’actualité évidente et brûlante : pour ma promo, c’était la présidentielle américaine et le Brexit. Pour vous qui passez le concours en 2017, la question de l’éventuelle destitution de Trump, la dénonciation de l’accord de Paris et les négociations autour du Brexit devraient fournir un certain nombre de sujets.

  • Les sujets chiantos type « cours d’anglais de 4ème » : le contrôle des armes aux USA, la peine de mort, Guantanamo, l’utilité de la monarchie anglaise… Pénible pour vous comme pour les examinateurs : essayez tant que possible d’apporter des éléments méconnus.

  • Les sujets socio-économico-culturels « WTF » : ce sont d’ailleurs les plus courants et pas forcément les plus difficiles. Pêle-mêle, on a dénombré l’an dernier des textes sur les voitures sans conducteurs, sur la disparition d’un espèce animale dans un parc naturel américain ou sur l’importance du pourboire au restaurant.

Une fois le texte tiré, on prépare son petit exposé de dix minutes. Après le passage, les examinateurs vont poseront une série de questions, portant tant sur le texte et votre commentaire que sur votre opinion personnelle sur divers sujets de société.

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Mes deux examinateurs d’anglais à la fin de mon oral sur « l’utilité pour la biosphère de la réintroduction des ours dans un parc naturel américain ».



In the jury’s mind
– Dans la tête du correcteur

Le magistrat français travaille dans un environnement de plus en plus international, avec la possibilité de diriger des équipes communes d’enquête, ou de collaborer avec des magistrats et enquêteurs étrangers via Europol ou Eurojust. Mais l’immense majorité des magistrat(e)s n’auront jamais à se servir de l’anglais durant toute leur carrière (#jafàbourgoinjallieu).

Le jury ne cherche donc pas à savoir si vous avez les compétences pour devenir juge à la Cour suprême. Il veut juste s’assurer que vous avez une compréhension satisfaisante de la langue anglaise.

La méthode à suivre pour réussir l’oral d’anglais est simple, mais elle peut vous paraitre assez stricte. Le jury préfèrera néanmoins vous voir suivre cette méthode certes un peu platichonne plutôt qu’un freestyle qui risque de le désarçonner. Here comes the method :

Résumé : 2-3 minutes.
Commentaire : 7-8 minutes

Le résumé est destiné à montrer aux examinateurs que vous avez bien compris le texte et ses enjeux. Il doit être bref : trois minutes au maximum, ou un peu plus si vous êtes vraiment en galère pour votre commentaire.

Le commentaire est le plat de résistance de votre oral. C’est là que vous marquerez vos points. L’important est de bien éviter la paraphrase, en prenant du recul sur le texte et en parlant de ses « à-côtés ». Par exemple, si vous tombez sur un texte portant sur l’accord de Paris sur le climat, votre commentaire devra en fait porter sur la question climatique en général. Vous pourrez balancer tout ce que vous savez : le protocole de Kyoto, des exemples concrets (anglo-saxons si possible) comme le climato-scepticisme de certains médias, l’ouragan Katrina, « Une vérité qui dérange » d’Al Gore, etc.

Pas besoin de parler comme Shakespeare pour cela : levez la tête du guidon et laissez-vous aller. Peu importe si vous avez l’impression de débiter des banalités ou du politiquement correct : c’est la définition même d’un oral d’anglais. Et j’ajoute que le risque de hors-sujet est très faible : à moins de parler de la poterie du Guatemala dans un sujet sur les Google cars, même si le lien avec le sujet est lointain, mieux vaut parler de quelque chose que de ne rien dire.

J’insiste sur un point : le résumé doit être limité à trois minutes, sauf si vous êtes in the big mouise for the commentary. Le jury se fiche un peu de vous écouter résumer le texte, même si c’est nécessaire : il veut vous entendre vous exprimer et c’est là qu’il vous jugera. Les notes les plus basses viennent généralement de candidat(e)s n’ayant pas respecté la méthode ou pas assez commenté le texte. En somme, plus vous commentez, mieux c’est.

Vous n’avez pas tenu les dix minutes ? On s’en fiche complètement, du moment que vous atteignez au moins sept ou huit minutes. J’ai personnellement tenu environ sept minutes, et le jury a compensé par davantage de questions.

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– « Vous nous avez parlé de New York dans votre exposé. Qu’avez-vous préféré lors de votre séjour ? »

– « Euh… Je… Euh… Ben je euh… J’ai mangé dans un McDonalds très typique dans Manhattan… »

Les questions

Durant la phase de questions, là encore, no panic ! Le jury n’est pas là pour vous piéger : il est bienveillant et veut avant tout vous donner l’occasion de livrer le meilleur de vous-même. Chacune de ses questions est un levier qu’il vous tend pour démontrer vos capacités. Elles s’appuient soit sur des éléments du texte, soit sur des éléments que vous avez mentionnés en commentaire.

Il n’y pas de bonnes ou de mauvaises réponses, sauf si vous défendez la réintroduction de la peine de mort pour les mineurs en cas de vol de bonbons à la boulangerie. Adoptez un point de vue et défendez-le. En sortant, vous vous direz peut-être : « Mon Dieu, ils m’ont demandé ce que j’avais le plus aimé à New York et j’ai sorti : manger un hamburger sur la 3ème Avenue ». On s’en fout, et le jury s’en fout. Tant que vous avez parlé anglais, peu importe l’originalité ou la véracité de votre propos.

Enfin, vous devrez faire sans arrêt preuve de combativité. Vous bafouillez un peu, vous avez un petit blanc ou vous vous emmêlez les pinceaux ? Le jury en a déjà vu des dizaines et en verra encore des dizaines. Dans tous les cas, restez dans votre oral et ne manifestez pas d’attitude démissionnaire, du genre répondre « Je ne sais pas » ou, pire, se mettre à parler français.


Même avec un faible niveau, vous pouvez donc avoir de bonnes notes en comprenant bien le texte et en mettant sur pied un exposé clair, simple et nourri de références variées. A l’inverse, un bilingue qui parle avec le flegme de Daniel Craig mais qui divague et manque tous les enjeux du texte, risque de se taper 10 voire moins, alors qu’il/elle avait les armes pour taquiner les sommets.

Et quand je dis « sommets », je parle bien de sommets puisque chaque année des 20 sont attribués aux plus magnificent des candidates. Ça vaut le coup de practice un petit peu sa method, d’autant plus que ça ne vous demandera pas un gros effort.

May the skills of William Shakespeare and the accent of prince William be with you !


From ENM, with love


7 réflexions sur “Oral d’anglais ENM – Dans la tête du correcteur

  1. Bonjour, merci pour tous ces conseils bien précieux!
    Petite question un peu bête : quelle est la longueur des textes sur lesquels on doit composer? D’après les consignes officielles de l’ENM il doit s’agir d’un texte d’environ 400 mots. Sauf que les articles de The Economist, The Guardian et cie font plutôt 1 000 mots que 400… Sur quelle longueur d’article faudrait-il s’entraîner?

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    1. Bonjour Anaïs!

      Il s’agit en effet d’un texte de 400 mots environ, c’est-à-dire un tiers ou une moitié d’article de presse. Libre à toi d’en couper le début, la fin ou le milieu pour parvenir à la durée standard!

      Bonnes révisions à toi!

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  2. Bonjour, merci pour ces explications. Vous dites qu’il faut commenter le texte, mais en même temps qu’il faut s’en détacher pour parler d’un sujet plus large. Est-ce que dans notre commentaire sur l’environnement, il faut s’appuyer sur le texte et les accords de Paris, ou est-ce que l’on peut s’en détacher totalement? Merci beaucoup !

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    1. Bonjour MD ! J’ai peur de répondre malheureusement beaucoup trop tard à votre question, mais j’y réponds malgré tout afin que cela puisse éventuellement servir à d’autres dans les années futures. En commentaire, il faut trouver un entre-deux : trop souvent, les candidat.e.s restent « coincés » sur le texte et tournent en rond en le paraphrasant, alors qu’apporter des éléments extérieurs sera bienvenu et viendra nourrir le commentaire. Il faut bien sûr que cela reste en lien avec les enjeux du texte, pour ne pas donner l’impression que l’on va parler de ce qui nous intéresse en fuyant le sujet. Sur l’environnement, ce que je voulais dire, c’est que si le sujet traite d’une thématique particulière, il faut mobiliser l’actualité récente autour d’elle (ici, les accords de Paris, en tout cas à l’époque où j’ai écrit l’article…), mais pas non plus dériver hors de l’environnement. En espérant avoir clarifié un peu tout cela, bon courage pour la fin des épreuves ! 🙂

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  3. Bonjour, merci pour ces conseils éclairants sur l’oral d’anglais 😉

    J’aurai une question annexe sur l’oral d’option d’espagnol : est-ce le même principe que celui d’anglais (traitement d’un texte espagnol, commentaire) ? Quel est le niveau attendu ? Est-ce intéressant de le choisir ou est-ce que ça rajoute trop de travail par rapport au bénéfice ? (J’ai un bon niveau mais sans plus)

    D’avance merci?

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    1. Bonjour Sorma ! Je bats mon record de rapidité en répondant à votre commentaire trois minutes après sa publication ! 🙂 Réponse très simple : oui. Cela fonctionne exactement de la même manière qu’en anglais, et aucun niveau particulier n’est attendu, si ce n’est qu’il faut quand même parler un peu la langue en question : l’objectif est de valoriser les candidat.e.s ayant suivi d’autres langues que l’anglais durant leur scolarité. L’idée est que cela ne rajoute pas de travail en plus, hormis pour se remettre en selle si on en a plus fait depuis longtemps (lire deux-trois textes quelques jours avant l’oral, quoi). Si tu estimes avoir un bon niveau, il faut absolument prendre la langue facultative, qui t’offrira probablement de précieux points ! Bon courage pour la suite de ta préparation !

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  4. Bonjour,
    Je vous remercie pour tous vos articles concernant ce concours. Pour l’oral d’anglais, auriez-vous des conseils plus précis sur la façon de le travailler et de présenter sa prestation le jour J ? (nombre d’arguments à développer ? connecteurs logiques ou autres points grammaticaux valorisés de façon scolaire ? faire référence au sous-texte ? niveau linguistique attendu selon vous : B2 ? C1 ? plus ?… ). Avez-vous eu des échos sur la grille de correction et le nombre de points alloués à chaque critère ?
    J’ai passé cette épreuve qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle du CRFPA. Quasiment 15 au barreau / une note sous la moyenne à l’ENM… sans transition. J’ai l’impression de par mes recherches en ligne que je ne suis pas la seule à m’interroger sur les attentes réelles des correcteurs qui ne m’ont pas parues être le simple fait de pouvoir parler en anglais. D’où ma question. J’ai bien lu votre propos sur les arguments, mais je maintiens mon interrogation.
    On ne rate pas à cause de l’anglais, il est néanmoins toujours intéressant de progresser et je trouve cette épreuve énigmatique, c’est la seule pour laquelle je n’ai pas compris ma note.
    Si vous avez plus des précisions, je suis tout ouïe !

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